LinkedIn, d’ordinaire si lent à déployer de nouvelles fonctionnalités, accélère. En particulier avec l’intelligence artificielle (IA) générative. De quoi se poser quelques questions…
LinkedIn vient de lancer, coup sur coup, plusieurs fonctionnalités dopées à l’intelligence artificielle (IA).
Brouillons de publication
Comme l’a révélé mon confrère Kevin D. Turner, LinkedIn teste une fonctionnalité qui permet de créer des brouillons de publications en utilisant l’IA. « Partagez vos idées (en max. 30 mots) pour aider notre assistant IA à vous proposer un premier brouillon », indique LinkedIn dans ses premiers essais de design.
Et de lister « quelques façons de démarrer » :
- Opinion sur une nouvelle tendance
- Conseils de carrière ou à propos de projets
- Nouveaux enseignements
Une aide d’autant plus redoutable qu’elle pourrait être déjà renforcée par des suggestions personnalisées de thèmes de publication, basées sur la section compétences de nos profils, comme les a repérées l’entrepreneure et créatrice de contenus Caroline Mignaux.
Offres d’emploi
Par ailleurs, LinkedIn teste un nouvel outil d’IA destiné à accélérer et faciliter l’écriture de descriptions de fonctions, pour les offres d’emploi. Compétences-clés et possibilités d’ajout des caractéristiques basées sur les profils des employés actuels comprises.
« Lorsque vous êtes prêt à publier une offre d’emploi, il vous suffit de fournir quelques informations de base, notamment le titre du poste et le nom de l’entreprise, a expliqué Tomer Cohen, le chief product officer de LinkedIn. » Notre outil génère alors une proposition de description de poste que vous pouvez consulter et modifier, ce qui vous permet de gagner du temps et de l’énergie tout en vous laissant la possibilité de l’adapter à vos besoins”.
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Optimisation des profils
LinkedIn va aussi permettre d’optimiser, grâce à l’IA, le profil de ses membres Premium, à commencer par le champ « Titre du profil » et le champ « Infos ». En se basant sur les autres sections… et sur des extraits de textes issus de millions d’autres profils.
Lettres de motivation
LinkedIn lance en parallèle sur la génération de lettres de motivation « hautement personnalisées », pour les candidats aux offres d’emploi postées sur sa plateforme.
Là encore, la nouvelle fonction est réservée aux abonné.e.s Premium. Et elle se base sur les infos du profil du candidat, sur celles du/de la manager qui recrute, sur l’offre d’emploi et sur la description de la société.
Articles collaboratifs
Enfin, LinkedIn a lancé des articles « collaboratifs ». Ces articles commencent par des amorces de conversation alimentées par l’IA et développées avec l’équipe éditoriale de LinkedIn… Et sont gratuitement enrichis d’idées, d’exemples, d’expériences, etc., par une sélection d’expert.e.s identifié.e.s par LinkedIn.
15 ans d’intelligence artificielle
À dire vrai, LinkedIn, qui vient de célébrer ses 20 ans et met gratuitement à disposition une centaine de cours en ligne sur l’IA, ne débute pas sur le chemin de l’intelligence artificielle (générative). Loin de là.
Motivé par la création d’un graphe économique mondiale, le réseau social professionnel dominant, qui accumule les données personnelles comme les autres régies publicitaires du genre, ajoute des couches d’IA à son service depuis une quinzaine d’années.
« Mais nos équipes ont toujours cherché à faire mieux : aider un plus grand nombre de personnes, dans tous les pays, à chaque étape de leur carrière, à répondre à un large éventail de besoins professionnels, expliquait récemment Tomer Cohen. Grâce à l’IA générative avancée et aux grands modèles de langage, nous sommes désormais en mesure de le faire. Et nous le faisons en mettant l’IA directement entre les mains de nos membres. »
Bonne nouvelle…
On l’aura compris, LinkedIn accélère très fortement depuis début 2023. Et pas seulement en utilisant l’IA pour améliorer ke fil d’actus. En réalité, il profite pleinement de la récente prise de participation de sa maison-mère, Microsoft, dans la start-up californienne OpenAI (ChatGPT, Dall-E…). Et intègre, à toute vitesse, des modèles avancés de ChatGPT déjà disponibles, alors que la plateforme est réputée pour la faiblesse de ses innovations et la lenteur de ses déploiements.
Mais est-ce vraiment une bonne nouvelle ?
En facilitant la création de posts, par exemple, ne risque-t-on pas d’être inondé.e.s de contenus de piètre qualité ?
Certains, comme ma consoeur Michelle J Raymond, ne le pensent absolument pas. Et de s’expliquer : « Une étude sur les communautés en ligne a montré qu’environ 1 % seulement des personnes créent du contenu sur les plateformes de médias sociaux et y participent activement. Sur LinkedIn, on estime qu’environ 3 à 5 % (à peu près) des membres créent. Cela signifie donc que 95 % des personnes restent sur la touche…»
… Ou pas
D’autres, comme Richard van der Blom, mon confrère au sein du Hub Just Connecting, sont nettement moins optimistes : « L’IA et le Chat/GPT détruisent notre portée sur LinkedIn ». Pour le fondateur du Hub Just Connecting, dont je fais partie, l’horizon est sombre. « Fournir de l’IA aux soi-disant créateurs de contenu, de sorte que tout le monde partage du contenu non authentique ? Et ensuite, j’écrirai mes commentaires. Quel grand réseau nous aurons alors, mon bot parlant avec le bot de mon client ! »
Pour By Jonathan Haidt and Eric Schmidt, l’IA va rendre les réseaux sociaux (encore) plus toxiques, pendant que d’autres pensent qu’ l’IA va carrément les détruire.
« Enthousiaste critique »
Je vous avoue plutôt partager la plupart des craintes émises ces derniers mois.
Et ce n’est pas une surprise pour les personnes qui ont lu mon Manifeste LinkedIn et mon coup de gueule contre les champions du plagiat, il y a quelques semaines.
Je veux être clair et transparent. Je teste ChatGPT (et d’autres « Generative AI ») depuis les premiers jours. Je lis beaucoup de « guides », beaucoup d’argumentaires, d’angles de vue… J’interroge (notamment Benoît Raphael, revoir ce live). Et je m’interroge.
Je crois que, sur ce sujet, qui va bien au-delà de LinkedIn, je fais partie des enthousiastes critiques.
Oui, l’intelligence artificielle générative, qui vient de percer au grand jour, est extraordinaire et remplie de promesses (notamment en termes de santé). Et oui, il est possible de l’utiliser de manière intelligente, créative, éthique et responsable.
Oui, le potentiel de l’IA générative peut légitimement faire peur. Et oui, sa viralisation rapide pose des tas de questions qui sonnent comme autant de risques/défis et qui méritent réflexion…
- Quid de la créativité, de l’originalité ?
- De l’authenticité ?
- De nos singularités ?
- Du droit d’auteur ?
- De l’accessibilité aux outils ?
- Des impacts économiques ?
- Des conséquences écologiques ?
- Des dérives potentielles ?
- De la gestion de l’IA-anxiété ?
Urgence à tous les étages
Oui, il est urgent que chacun.e d’entre-nous se pose ces questions. En restant critique.
Oui, il est urgent que les plateformes fassent preuve de prudence et de transparence (les « Principes pour une IA responsable » et autres « Bonnes pratiques pour les contenus créés avec l’aide de l’IA » publiés discrètement par LinkedIn sont largement insuffisants).
Oui, il est fondamental que les politiques prennent leurs responsabilités pour réguler l’intelligence artificielle. Comme iels l’ont fait avec le nucléaire.
L’Europe veut devenir la première juridiction au monde à légiférer en la matière ? Tant mieux ! Joe Biden a réuni les grands pontes de l’IA (et la start-up Anthropic) pour discuter régulation et le Congrès US a invité Sam Altman, le big boss d’Open AI ? Tant mieux itou !
Mais il y a vraiment urgence à transformer les beaux discours… Maintenant !
Xavier Degraux