Pourquoi Facebook et Instagram lancent des abonnements payants

Le co-fondateur et big boss de Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp, Messenger…), Mark Zuckerberg, lance « Meta Verified », un service d’abonnement qui permettra aux utilisateurs de plus de 18 ans, et singulièrement aux influenceurs/créateurs de contenus :

  • d’ajouter un badge bleu de vérification à leur compte Instagram et Facebook, alors que cette coche était jusqu’ici réservée aux personnalités publiques (acteurs, musiciens, athlètes, politiques, journalistes…)
  • de bénéficier « d’une visibilité et d’une portée accrues » dans les résultats de recherche, dans les recommandations et dans les commentaires
  • d’être mieux protégé contre les attaques d’usurpation d’identité (après vérification des cartes d’identité, qui devront avoir une photo et un nom « correspondants ») 
  • d’accéder directement au support client de Meta pour « les problèmes les plus fréquents »
  • de disposer d’auto-collants supplémentaires dans les Stories et les Reels, et de 100 « étoiles » gratuites par mois sur Facebook « pour que vous puissiez montrer votre soutien aux autres créateurs ».

En revanche, mais est-ce vraiment une surprise, rien n’est indiqué quant à une éventuelle réduction de la pression publicitaire en cas d’abonnement.

Jusqu’à 14,99 USD/mois

« Meta Verified », qui n’est pas (encore) ouvert aux comptes d’entreprises, sera déployé au prix de 11,99 USD par compte par mois sur le web, ou de 14,99 USD/mois par compte sur l’iOS d’Apple (aucune info à ce stade sur Androïd). En Nouvelle-Zélande et en Australie dès cette semaine. Et dans « d’autres pays prochainement ».

« À long terme, nous voulons construire une offre d’abonnement qui a de la valeur pour tout le monde, y compris les créateurs, les entreprises et notre communauté dans son ensemble », a commenté Meta dans un billet de blog, tout en parlant de « test ».

« Authenticité » et « sécurité »

Dans son bref message de lancement, diffusé sur sa chaîne Instagram et sur son compte Facebook, Mark Zuckerberg a justifié le lancement de « Meta Verified » en insistant sur l’amélioration de « l’authenticité » des profils et donc des échanges, ainsi que sur la « sécurité » de ses services.

La recherche d’ « authenticité » et de « sécurité » ont beau dos. Surtout à l’approche des élections américaines (novembre 2024) et de l’entrée en vigueur du « Digital Service Act » (DSA) européen

En réalité, ce qui pousse aujourd’hui Mark Zuckerberg à lancer des abonnements payants et à renier une fois pour toutes son mantra originel « C’est gratuit et le restera toujours » est beaucoup plus terre-à-terre.

L’enjeu de ce « test » prioritairement orienté vers les créateurs de contenus est évidemment économique. Et repose sur plusieurs dynamiques. 

Dépendance publicitaire

Depuis la naissance de Facebook, il y a 18 ans, le N°1 de Meta n’avait jamais facturé l’accès aux services du groupe qu’il dirige de plus en plus seul. 

Son « business model » était quasi uniquement basé sur la revente aux annonceurs des données personnelles récoltées. Chacun le sait (ou presque).

Mais cette dépendance absolue de Meta à la publicité ciblée (98% de ses revenus) est devenue problématique. Le marché publicitaire a fortement ralenti, suite à la crise économique…

Résultats :

  • Le cours de l’action Meta a perdu 29% ces 12 derniers mois
  • Au quatrième trimestre 2022, « The network » a vu son bénéfice net divisé par deux, à 4,65 milliards USD, au lieu des 6 milliards USD attendus par les analystes
  • Le dernier chiffre d’affaires trimestriel de Meta a baissé de 4 % sur un an
  • En 2022, le nombre d’impressions publicitaires de Meta a progressé de 18%, mais le prix moyen par pub a reculé de 16%

Autant de signaux qui poussent Mark Zuckerberg à ouvrir (grand ?) le chantier de la diversification des revenus du groupe…

Compenser la chute de la pomme

Il faut dire que dans le même temps, les revenus de Meta ont également pris un coup suite à la décision d’Apple d’introduire des changements stricts en matière de confidentialité sur iOS qui limitent la capacité de Meta à tracker les activités internet des utilisateurs.

L’an dernier, Meta avait d’ailleurs annoncé que la décision d’Apple lui coûterait plus de 10 milliards USD en revenus publicitaires perdus… Et comment les compenser, à votre avis ?

Financer le développement du métavers

C’est que le retour à la croissance ne viendra pas (directement ?) de la R&D du groupe, en particulier de sa filiale « Reality Labs ». Au contraire. Meta, dont les actions ont rebondi ces dernières semaines, est sérieusement ébranlé par la réaction sévère des marchés à son projet de Métavers. 

Comparasion entre les budgets trimestriels de R&D d’Apple et ceux de Meta

La société, qui a annoncé plus de 11.000 licenciements en novembre dernier (13% de ses effectifs) et s’est engagée à réduire ses dépenses liées à cette ambition virtuelle (nouveau plan social en vue ?), a déjà investi des sommes folles dans le Métavers… alors que la sauce risque bien de ne pas prendre avant de nombreuses années… si elle prend un jour.

Autrement dit: le financement du Metavers version Zuckerberg pourrait partiellement incomber, via les abonnements payants, aux membres de Meta… qui n’en veulent absolument pas. En tout cas pas pour le moment.

Un timing opportun de mise sur le marché

Enfin, le timing de cette annonce est important. Trois concurrents de Meta ont déjà lancé des abonnements payants : Reddit, Snapchat et Twitter.

En s’inscrivant dans leur sillage à un moment où TikTok envisage, lui aussi, des accès payants à certains types de vidéos de créateurs, Meta profite d’un timing opportun pour sa communication tout en se positionnant pour capter la première vague d’audience prête à payer pour une expérience sociale augmentée.

Vague porteuse ?

Reste à voir si cette vague sera porteuse… Jusqu’ici, Snapchat a séduit un million de membres, sur un total de 750 millions. Et le réseau social d’Elon Musk (environ 350 millions d’utilisateurs au total) ? Deux mois après son lancement chaotique, à peine 290.000 twittos, dont 180.000 aux USA, auraient souscrit à « Twitter Blue », d’après The Information.

Pour rappel, en Belgique, l’audience publicitaire de Facebook atteignait 6,3 millions (-1,6%) et celle d’Instagram 4,6 millions (-9,8%) début 2023. Au niveau mondial, Meta, qui voit 2023 comme « l’année de l’efficacité », compte près de 3,74 milliards d’utilisateurs actifs mensuels.

Quelle proportion d’entre eux est prête à sortir le portefeuille ? Mystère. Pourtant, de la réponse à cette question dépend ni plus ni moins que le modèle économique de Meta… et de tout le secteur.

Xavier Degraux

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